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la voix du masque
28 octobre 2009

Deux masques

400px_P_cultureUne image représentant deux masques accolés, l'un riant, l'autre triste, de quoi parle-t-on? Bien évidemment de théâtre. Chacun le sait. Comme la palette au peintre, la clé de sol à la musique, l'art dramatique tiendrait en deux masques. D'où la tentative de comprendre pourquoi et comment les masques racontent si bien le théâtre, alors que cet art, actuellement, la majeure partie du temps, se passe de ces attributs.

La facilité est de dire: c'est l'acteur qui rit, l'acteur qui pleure, il change de registre comme de visage ou l'inverse, c'est la plasticité du comédien qui est représentée par ces visages factices. Aujourd'hui, peut-être que l'on s'est résignés à ça. L'histoire est un peu plus longue.

Il s'agit bien évidemment de masques d'inspiration antique, grecs, marquant les genres de la tragédie et de la comédie.
Les deux genres auraient une origine commune dans les fêtes rituelles à Dionysos, celles ci mêlant joie de l'ivresse et apitoiement sur les difficultés de l'existence. Étymologiquement tragédie signifie "chant du bouc" probablement en référence à la mort sacrificielle donnée à l'animal lors de ces cultes. Le genre ne traite que d'histoire de nobles, écrites par des poètes, à l'art régi, lui, par Apollon, le dieu à la lyre.
La comédie est née de ces même défilés dionysiaques, un peu ultérieurement. elle met en scène des esclaves, serviteurs, bourgeois ou lettrés dans les vicissitudes de la vie en les tournant à la dérision. Contrairement à la farce, très populaire, elle reste un genre élevé, également écrit par les poètes, et joué dans les même théâtres et ce juste à après les tragédies.

deux_masques__mus_capitole__VdMLes deux genres étaient masqués, et les masques différaient d'un genre à l'autre. Par contre, ils ne "pleuraient" pas pour les uns, ni riaient pour les autres! Jusqu'en 470 av. j.-C. les traits étaient même dépourvus de toute expression d'émotion. (voir article suivant: le masque où l'archétype du personnage - disponible très bientôt-).

Le répertoire de ces deux genres s'est écrit par les principaux poètes de la Grèce antique en moins d'un siècle, même si ces pièces et les réécritures des mêmes histoires se sont perpétuées. L'usage et la forme des masque lui a bien évolué, voire disparu. Alors qu'est-ce qui expliquerait la longévité du symbole double des masques pour le théâtre?

Pas d'explication "officielle", à ma connaissance, j'ai donc échafaudé mon hypothèse: A la renaissance, en Italie, lorsque l'on a commencé à explorer les vestiges du passé romain, le seul moyen d'identifier les scènes mythologiques des même scènes en représentation théâtrale ou rituelle était la présence de masques (portés, mais aussi posés, ou apposés à l'image). Les grands textes antiques se faisaient traduire, et avec eux les tragédies et comédies. La connaissance des deux genres majeurs du théâtre influença les arts du spectacle de l'époque, comme les formes antiques les arts plastiques. La référence à la lyre d'Apollon en opposition à la flute de Dionysos devint un autre symbole, celui entre les œuvres poétiques ou nobles et les œuvres plus populaires et drôles. Il devint commun d'allier Lyre à la tragédie et flute à la comédie accolés aux masques des mêmes genres.

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Illustration pour l'ouvrage "les deux masques" de Paul de Saint Victor 1880  et  illustration contemporaine 

Dans les décors des lieux accueillants toutes sortes de réjouissances, peu à peu les deux masques et les deux instruments se mêlèrent au décorum. Les arts d'époque classique héritèrent de cette tradition, opposer tragédie et comédie dans les textes comme dans les allégories.

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Masques sur la frise de toiture du Palais Garnier à Paris   et    bijou doré contemporain

 

Ils sont restés partout, ces deux visages aux traits forcés, en nos musées, sur nos théâtres et nos opéras, mais aussi, sur les livres et prospectus, bibelots, bijoux...

Voici comment deux masques, à la stylisation souvent affreuse (pardon pour les quelques sculpteurs de mascarons qui en ont fait de splendides aux façades et couloirs de certains bâtiments de spectacle) représentent toujours au XXIè siècle les arts du théâtre.  Voici comment du fait de la dualité, d'une opposition ô combien lointaine, et par conséquent obscure, chacun semble se reconnaitre, et la multiplicité des arts scéniques se sent représentée.

de là à faire l'équation théâtre=masques...

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Commentaires
M
En voilà un article intéressant, merci Candice !
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