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la voix du masque
17 avril 2011

Dans le blanc des yeux - masques primitifs du Népal

affiche_dans_le_blanc_des_yeuxJ'ai décidément beaucoup de retard dans mes comptes rendus d’exposition: il faut dire que l’année a plutôt bien commencé pour les amateurs de masques. Mon rattrapage de printemps démarre donc avec ce «dans le blanc des yeux» qui a fermé ses portes au Musée du Quai Branly le 9 janvier 2011.

Sous cette appelation, nous découvrions une vingtaine de masques de sociétés tribales du Népal. Ils correspondent à une donation du collectionneur et écrivain, Marc Petit qui a commencé à rassembler ce type d’objets dès les années 80, alors que ces pièces étaient encore ignorées des occidentaux.

     InconnusblcDyeux_222_VdM
Le Népal est un pays qui subit fortement l’ombrage de la Chine et de l’Inde, ces immenses voisins, ce qui explique sans doute la méconnaissance de sa culture singulière. Une fois fait abstraction des influences hindouistes et bouddhistes, les coutumes, rites, croyances ou mythes de ces peuples chamaniques ne sont pas renseignés. De fait, les objets
issus de cette culture nous restent inconnus, voire méprisés.

     De là à dire
Si l'on en croit les panneaux d’information dans l’exposition et une partie du hors série beaux-arts (seul catalogue), ces objets seraient grossiers et peu enclins à susciter intérêt des occidentaux: créations marginales et peu ouvragées, ils s’apparenteraient à un art brut, des objets populaires frustes sans grande valeur ethnologique et encore moins artistique.

ablcdesyeux_243_Vdm     Force
Bien entendu, ce n’est (heureusement) pas l’avis du collectionneur, ni de ceux qui l’ont suivi (voir l’exposition à la galerie Durand-Dessert à Paris de la collection himalayenne des galieristes). A en juger par l‘impression laissée par ces objets (soigneusement choisis), leur aspect d’art brut n’en est pas moins de l’art, s’en dégage une force universelle, quasi-enfantine, immédiatement parlante.

     stylistique
Les oeuvres présentées sont faussement simples, des masques de bois peint, «trois trous» (yeux-bouche), et d'apparence brute. Néanmoins la matière laisse paraitre nombre de couches résineuses, de suie, voire de couleurs. Les matières rapportées (poils, métaux...) contribuent à consolider l’effet sauvage des formes. Il semble évident que la grossièreté des matières, comme celle des volumes, est voulue. La prouesse technique n’est pas l’aspiration des concepteurs.

     Personnellementablcdesyeux_229_Vdm
J’ai été particulièrement touchée par les plus «bruts» d’entre eux: il m’apparaissent comme une pulsion (toute humaine) de tracer dans un morceau de matière trouvée (ici du bois ou de la racine) un visage humain. Cette pulsion de «donner forme à l’informe» qui perdure au moins depuis les temps préhistoriques et les dessins d'animaux gravés sur les roches
les plus suggestives, semble avoir ici son pendant en masque. Que le sens soit de révéler l’esprit de la nature contenu dans le bois ou un simple jeu de forme, il utilise un langage des plus universels. Les matières rocailleuses me paraissent travaillées pour mettre en valeur l’élément brut, ces masques sont comme minerais, charbons ou racines, qui pourraient quasiment émerger tels quels de la terre.

ablcdesyeux_041_Vdm     Scénographie
La scénographie nous permettait de visualiser ces masques de devant comme de dos (de profil pour ceux en bout de ligne ce qui manquait pour les autres), laissant apparaître le travail d’évidage du bois pour placer les visages à l’intérieur: celui-ci m’a paru assez finement réalisé, attestant de la volonté, sur certains modèles, de laisser les formes les plus grossièrement taillées à l’extérieur. Le concept était de nous laisser à la fois être le regardant et le regardé de ces masques. un peu théorique vu l’épaisseur des vitrines...

    Joie simple
Pour moi ce fut une joie simple de contempler ces masques sans être influencée par quelconque connaissance d’histoire, de contexte, de discours ethnographique. Il nous reste à deviner, ou mieux, accepter, ces formes issues d’une culture orale. Ils sont comme la nature elle même, beaux, forts, simples, évidents, insaisissables. Il véhiculent avec un «bon sens» joyeux, le rapport ténu entre l’homme et le monde naturel. Car la majeure partie des masques sont de registre comique, ou grotesque, et ils semblent bien rire de nous, humains si complexes, torturés par la soif d’explication.

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