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la voix du masque
1 juin 2014

Lisbonne - Museu do oriente : Cambodge - ballet royal

Le soir de notre arrivée, se jouait dans l'auditorium du musée d'orient, en appui à l'exposition de marionnettes d'ombres qui s'y tient, Reamker, à la gloire de Rama : ombres et lumières par le ballet royal du Cambodge.

04ROYALjp-articleLargeC'est une chorégraphie très récente du ballet royal qui réunit pour la première fois trois genres de théâtre, le Ballet royal (le théâtre de cour), le khol (le théâtre mâle masqué) et le Sbek thom (le grand théâtre d’ombres). Si ces théâtres diffèrent par leur forme, ils se rejoignent sur un élément, l’accompagnement musical par l’orchestre pinpeat constitué de xylophones, de gongs, de hautbois et de tambours. Le répertoire a été revu pour intégrer des épisodes joués par le Sbek thom et par le khol. Chants et déclamation se succèdent pour narrer les rencontres dramatiques entre les humains et les géants ou entre les singes et les géants, au cours desquelles les valeurs comme la confiance, la loyauté, l’amour sont louées. Ainsi, ombres et lumières se côtoient, figurines de cuir et êtres humains se fondent pour ne faire qu’un avec l’histoire. Ces théâtres étant à l’origine liés aux rituels, chaque représentation s’ouvre sur une cérémonie d’offrandes aux divinités (pithi sampeah kru) où sont consacrés les artistes et les figurines de cuir ainsi que la scène sur laquelle va se dérouler le spectacle. (extrait de la présentation de la tournée)

Reamker, l'équivalent cambodgien du Ramayana indien, est sûrement le poème épique le plus populaire du pays.

Le ballet royal du Cambodge est célèbre pour les gestes gracieux des mains et les costumes brillants. Il est lié à la cour Khmer depuis plus de 1000 ans, et reste un objet de vénération de la part des Cambodgiens. Traditionnellement ces représentations accompagnaient les cérémonies royales comme les couronnements, mariages, funérailles et autres festivités Khmeres. Investie d'une fonction sacrée et symbolique cette expression artistique personnifie les valeurs traditionnelles de pureté, respect et spiritualité. Le répertoire de la compagnie perpétue les légendes associées à l'origine du peuple Khmer. C'est la raison pour laquelle les cambodgiens respectent toujours cette tradition comme symbole de la culture Khmere.

Dans le répertoire classique il y a quatre personnages distincts : Neang, la femme, Neayrong, l'homme, Yeaak, le géant, et Sva, le macaque. Chacun d'eux a sa couleur et ses costumes, maquillage et masques propres. Les gestes et poses, étudiées par les danseurs pendant de longues années d’entraînement intensif, évoquent toute une échelle des émotions humaines, de la peur et la rage, à l'amour et la joie. Un orchestre accompagne la danse, alors qu'un choeur féminin commente l'action, attirant l'attention sur les émotions exprimées par les danseurs, considérés comme messagers du roi pour les dieux et ancêtres. Dans les années 70 du XXè siècle, cette manifestation culturelle a était quasiment disparue pour raisons politiques, mais elle a été revitalisée depuis 1979. (...) En 2003, le ballet national du Cambodge a été déclaré œuvre majeure du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. (traduction d'un extrait du programme du spectacle)

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Le lakhon Khol, ou théâtre mâle masqué, était un art de cour avant de tomber en désuétude à la fin du règne du roi Ang Duong (1796-1860). Les membres de ce théâtre continuent néanmoins à transmettre cette tradition théâtrale dans les villages aux alentours. Lors des fêtes et cérémonies du royaume, les troupes de Khol sont invitées régulièrement à se produire devant le palais royal au même titre que le Ballet royal. Le répertoire est uniquement constitué du Reamker avec une préférence pour des épisodes de bataille entre l’armée des singes et des géants. Ce théâtre se joue notamment lors du nouvel an où il est censé faire tomber la pluie tant attendue pour les récoltes.

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Le Sbek thom ou le grand théâtre d’ombres est un art encore pratiqué dans certains villages notamment dans le nord du Cambodge à Siem Reap. Les figurines de cuir font
(jusqu'à ndlr) deux mètres de haut et se composent d’une seule pièce de cuir non articulé. Les manipulateurs doivent marcher en cadence suivant le rythme des mélodies tout en insufflant une variété de mouvements gestuels pendant qu’un narrateur commente l’histoire et décrit les actions. Les spectacles du Sbek thom se jouent lors des cérémonies et fêtes religieuses et peuvent durer plusieurs nuits consécutives. Pour la nouvelle pièce de Reamker , trente-deux figurines de cuir sont utilisées. Le Sbek thom a été proclamé Patrimoine immatériel de l’Humanité en 2005 par l’UNESCO. (extrait de la présentation de la tournée)

 

Pic4(photographie d'une partie des ombres utilisées dans le spectacle auquel cet article est consacré)

 

3xz0styzxarj5uwdhbxmd2fiia2Le spectacle auquel j'ai eu la chance d'assister, est donc un très riche mélange de danse, théâtre d'ombres, et jeu masqué, sans oublier, bien entendu, la musique et le chant. Un vrai très beau spectacle, l'occasion de voir en mouvement des marionnettes d'ombre similaires à certaines de l'exposition du musée, et, pour moi, d'admirer les masques heaume du spectacle et le jeu splendide de leur porteurs.

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Je n'ai pas pris de photos du spectacle mais j'illustre avec ce qui me semble correspondre le mieux à ce que j'ai vu de ce que j'ai trouvé sur le net.

 

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Même sans traduction, l'action reste facile à suivre pour peu que l'on connaisse un minimum l'histoire du Ramayana. D'un point de vue dramaturgique j'ai beaucoup apprécié la manière de passer d'une expression l'autre, principalement du théâtre d'ombre au théâtre incarné sur le plateau. Le mélange de personnages masqués et non masqués fonctionne très bien également, ainsi que, par exemple, les métamorphoses de personnages. Tous les personnages scéniques ont leurs équivalent en ombres. Il m'a semblé qu'il y avait plus d'ombres que de personnages scéniques (par exemple Garuda).

dt_10948En début de spectacle une cérémonie d'offrande est faite pour tous et pour consacrer les figures de marionnettes en cuir. Le masque, par contraste, semble n'être considéré que comme un simple accessoire de costume (les danseurs qui jouent masqué portent leur masque en « casquette » sur la tête pour cette prière et pour les saluts). Une vingtaine de personnes jouent sur scène. Certains auront à se changer et à passer de la manipulation d'ombres au jeu scénique il me semble.

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J'ai été (agréablement) surprise de l'importance donnée aux femmes dans le spectacle : Preah Ream (=Rama) et son frère Preah Leak (= Lakshmana) étaient interprétés par des femmes, danseuses, visage nu, tout comme Krung Reap (=Ravana, Roi de Langka, chef des géants, kidnappeur de Sita, femme de Rama) dans un rôle masqué.

Les masques, justement, couvrent toute la tête (heaume). Ils sont utilisés tant pour les démons que pour les singes (Hanuman et ses guerriers, comme les simples singes gris), ainsi que pour un prêtre (image ci dessous, ce masque est vraiment celui du spectacle que j'ai vu).

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Il sont traditionnellement en papier mâché, mais richement ornementés pour les rôles nobles (les singes gris sont, eux, très sobres). Le jeu est expressif et néanmoins fortement stylisé pour les rôles nobles. Les singes gris, eux, sont plus réalistes, mais avec un jeu d'acteur remarquable. Ils font l'effet d'intermède comique (en tous cas attendrissant) bien qu'ayant un rôle dans l'histoire (l'armée de Hanuman).

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Lorsque je compare avec certaines photos, je constate que les masques utilisés pour cette représentation étaient fort beaux, je regrette qu'il n'y ait pas de liste précise des artistes et artisans dans le programme, ni nom des interprètes, ni des costumiers ou facteurs de masques et marionnettes. Seuls les maîtres de danse sont cités. Cela semble traduire une société très hiérarchisée, donc.

 Je n'ai pas plus trouvé de vidéo de ce récent spectacle que de photos. Je vous mets tout de même le lien d'un autre Reamker de ce même ballet royal, selon une autre chorégraphie, peut-être plus traditionnelle car ne mélangeant pas le théâtre d'ombres. Ce montage a l'avantage d'être expliqué en français.

Suite des découvertes masquées de Lisbonne par là...

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