Lisbonne - Museu Nacional de Etnologia : Mali
Suite de notre visite au musée national ethnologique de Lisbonne. Après la réserve amazonienne nous visitons l'étage principal du musée à proprement parler. Dans une immense salle se trouvent différentes sections aux thématiques diverses. C'est un accrochage particulier, à priori le premier sous forme d'exposition permanente. Auparavant il semble que ce musée ait, également, fait le choix d'expositions thématiques. Ce premier accrochage est une sorte de "best-off" des expositions les plus marquantes des dernières années, sous le nom O MUSEU, MUITAS COISAS (le musée, beaucoup de choses).
Dans une longue vitrine latérale, se trouvent également divers objets mis en valeur sans qu'ils s'intègrent pour autant aux thématiques des différents modules. Parmi ces objets "hors sujet", trois masques sans légende précise. Ils font penser à des masques de tradition andine, mais la face. grillagée peinte existe aussi au Portugal et dans d'autres traditions.
Deux autres masques sont de "grosses têtes" "cabeçudo", et font partie de la section sur les musiques populaires du Portugal. Elle viennent de Darque, Viana du castello, Minho.
Une des section est consacrée au Wayang Kulit de Bali, théâtre d'ombres, qui apparait comme un complément, plus étayé scientifiquement peut-être, à l'accrochage du musée d'Orient. Mais ce n'est pas notre sujet sur ce blog.
Ce qui m'importe ici , c'est l'exposition ANIMAIS, COMO GENTE (les animaux comme les gens), masques et marionnettes du Mali. Cette partie est consacrée à ce qui a été l'exposition Sogobo suite à la donation en 2004 par Francisco Capelo de 50 objets, auxquels s'ajoutent deux, donnés par Sonia e Albert Loeb, galéristes à Paris, et collecteurs de la totalité des objets de la donation, et complétés de quelques objets récoltés dans les années 60 par Victor Bandeira, témoignant des activités rituelles de la région. Les Loeb sont aussi auteurs de la documentation filmique qui accompagne l'exposition.
Côté film, voici ce que ça donne (dans l'exposition il n'y avait que des extraits vidéo, mais je ne sais pas si ils sont issus de ce film):
côté exposition:
La région sur laquelle porte cette collection se situe au centre sud du Mali, près de la région de Segou. Elle porte sur une tradition de spectacle de masques et marionnettes d'origine pré-coloniale, selon une tradition bien établie, mais laissant une place importante à la créativité et la contemporaineité. Trois groupes ethniques sont concernés: les Boso, les Bamana et les Somono. Des variantes propres à chacun existent. Néanmoins dans l'ensemble ils partagent tant le type de spectacle, les mêmes bases d'histoires que les périodes de représentation. Celles-ci ont lieu lors des transitions entre saison sèche et humide, vers mai-juin, période des plantations, mais aussi parfois lors des récoltes (fin octobre et début novembre) qui est aussi la période des plus importantes pêches. Le jeu commence dans l'après midi et dure dans la soirée, voire, pour la représentation de novembre-décembre toute la nuit.
Les groupes sont des associations de jeunes villageois. Trois groupes distincts les composent: les forgerons, qui par tradition au Mali sont les facteurs de masques et de marionnettes ; les jeunes hommes, qui se consacrent au jeu, à la danse, à la musique, et les femmes qui chantent et donnent voix à l'histoire. Pour les hommes c'est une manière de conquérir une place parmi les anciens, de se faire une réputation.
Les représentations diffèrent peu, même si par exemple les Bamana sont réputés pour inclure également à leurs performances des danses de société de masques et d'initiation rituelles. C'est une manière de rappeler l'importance de ces sociétés, et d'affirmer leur culture. Ils utilisent aussi des tambours différents des autres. Les variantes les plus marquantes semblent être selon que les groupes sont des cultivateurs ou des pêcheurs, notamment dans le type d'animaux représentés, de la forêt pour les uns, des rivières pour les autres. Traditionnellement les groupes pêcheurs arrivent avec leurs marionnettes et masques sur la place du village en barque.
Les histoires mettent donc en scène des animaux (hyènes, antilopes buffles.. pour les animaux terrestres ; poisson, crocodile, hippopotame... pour les animaux de la rivière, exemples ci-contre). Les femmes sont représentées dans leurs travaux quotidiens divers pour célébrer leur rôle dans la société. L'interprète est un homme, en jouant notamment les animaux, il affirme les valeurs et croyances de la chasse traditionnelle plaçant le chasseur comme homme d'action et héros de la société. Sous couvert de divertissement, les histoires donnent à imaginer, philosopher sur la morale, la société, la nature etc.
(informations recueillies lors de l'exposition et sur le site du musée)
Globalement, en Afrique, il me semble souvent difficile de trouver la limite entre masque et marionnette. Le masque, pour l'africain, est un ensemble qui constitue une apparition: costume, danse, sons et accessoires, qu'il y ait ou non visage de masque sculpté. La différence par conséquent entre un masque et une marionnette habitée reste vague. Notamment pour les masques-cimier (ceux qui se portent sur le dessus de la tête, celle-ci et le corps étant cachés) comme le poisson ci dessus. Certains masques présentent des personnages et scènes sculptées sur la tête, suivant l'esthétique des marionnettes, ils deviennent objets polysémiques ou hybrides (voir ci dessous, et le buffle avec trois personnages un peu plus bas). Je ne suis d'ailleurs pas sure que les créateurs de ces spectacles eux-mêmes fassent une distinction entre ces deux formes d'art scénique.
Certains objets cependant sont clairement des marionnettes à manipuler de l'extérieur (mais je ne vous sélectionne ici que les masques), et d'autres, des masques faciaux qui laissent le corps de l'acteur/danseur comme corps du masque/personnage. Ces masques concernent en général des humains, mais aussi des animaux "à visage plat" comme les singes et grands félins. Quelques exemples:
L'exposition présente également des masques de très grande envergure, pour des antilopes ou autres animaux à cornes, très impressionnants.(ici respectivement hauts de 220cm, 213cm et 178cm)
Il ressort de cette exposition une ambiance toute autre que des expositions africaines habituelles, consacrées aux masques rituels. Ces masques-ci, fort récents, sont presque tous très colorés, riches en motifs. Ils mettent en oeuvre des savoir faire divers (bois, métal, textile etc) et laissent libre court à une créativité propre à un art vivant, véritablement populaire.