Meilleurs choix pour faire son masque anti-virus pour qu'il soit efficace
Suite à mon article de tutoriels de fabrication de masques anti-grippe et à l'approche du déconfinement, je tente de faire le point sur ce que la science sait de l'efficacité ou non des masques en tissu qu'on peut se fabriquer nous-mêmes dans le cadre de la limitation de l'épidémie.
Je ne suis pas scientifique (bien qu'universitaire) et plus versée dans les masques de scène et de carnavals que dans la médecine. Toutefois, j'ai entendu tellement de choses irrationnelles concernant cette pandémie que nous traversons, et en particulier les masques, que je veux, dans la mesure de mes connaissances, partager les informations les plus récentes (au 1er mai 2020) et vérifiées que j'ai pu constater pour que vous puissiez vous faire et surtout vous servir d'un masque en toute conscience et efficacité.
Oui des études ont été faites et on sait un peu mieux ce qui arrête vraiment le virus ou pas.
Spoiler: le masque maison, s'il est bien fait et très bien utilisé peut avoir des performances proches d'un masque médical. C'est donc un atout non négligeable.
C'est parti!
1- Comprendre le virus pour comprendre le rôle du masque
J'ai constaté que Wikipedia mettait à jour ses pages consacrées au Covid-19 (ou SARS-CoV-2) avec de très nombreuses références. En cas de questionnement, pensez à passer par là. Les liens externes sont nombreux et les informations bien moins déformées que sur d'autres médias (mais bien plus techniques et austères aussi, on ne peut pas tout avoir)
Je ne vous fais pas de leçon sur les virus, je ne suis pas compétente, allez vérifiez par vous même si des données manquent de précision. Le virus étant récent, on ne peut pas encore tout connaître sur lui, et les observations en cours peuvent encore faire beaucoup évoluer les connaissances.
Durée de vie hors du corps
Je peux juste synthétiser que le virus est un trèèèès petit organisme (0,1 micromètre pour le covid qui nous occupe) qui n'a pas de vie autonome: ça ne peut survivre que dans un organisme hôte. Toutefois sa durée de vie hors du corps n'est pas nulle, et il peut, dans de bonnes conditions (sur les matières lisses comme l'inox par exemple) rester effectif jusqu'à 3 jours. Plus couramment de quelques minutes à quelques heures dans l'air (selon les conditions) et de 24h sur le carton (le tout en conditions de laboratoire, bien plus strictes que celles rencontrées dans la vie réelle, l'étude visant à établir des règles de bon usage en milieu hospitalier) (voir l'étude parue en mars dans le NEJM) Bref, toute surface ayant reçu récemment le virus peut devenir contagieuse pour un temps limité. Donc on peut se contaminer soi-même si on a touché une surface contaminée par un (futur) malade puis en approchant ses doigts de sa bouche,de son nez, voire ses oreilles ou yeux. D'où les lavages de main soigneux (20 secondes au savon bien partout) nécessaires, voire occasionnellement les solutions alcooliques. Bref, on ne se contamine pas que par l'air, donc on ne pourra pas se contenter d'avoir des masques pour se protéger et protéger les autres.
Transmission
Toutefois, le covid-19 est un virus qui se transmet principalement par les gouttelettes émises par l'appareil respiratoire: les postillons, mais aussi, voire surtout, les microgoutelettes imperceptibles, ou aérosols. Quand vous respirez, parlez, même si vous ne postillonnez pas, vous émettez de l'humidité (eh, vous le voyez bien en hiver dès qu'il fait froid, comme ça fait de la buée!) et le virus, lui, il adore être dans l'humidité! Toutefois, j'ai cru comprendre que ce qu'on nomme aérosols est le résidu en suspension dans l'air même après évaporation de l'eau. à vérifier. En conditions labo la survie du virus en suspension dans l'air dépasse les 3h (étude citée ci-dessus). Il est donc intéressant de limiter l'émission de ces gouttelettes.
Contagion
Le Covid-19 est un virus qui semble être contagieux dès la contamination, donc dans le temps d'incubation où on n'a pas de symptômes qui est variable, de 3 à 7 jours en général, jusqu'à 24 jours constatés (source Wikipedia), il l'est encore plus pendant que l'on a des symptômes (si on en développe, ce qui n'est pas le cas de tous) et même après l'arrêt des symptômes et ce pour une durée encore mal définie. Donc potentiellement personne ne peut savoir s'il est porteur ou non du virus. Donc on peut tous contaminer d'autres personnes. C'est pour ça que TOUT LE MONDE est concerné par les mesures de confinement, distanciation et les gestes barrière. Son taux de contagion est élevé (on vient de réévaluer ce taux à une médiane de 5,7, soit 1 individu infecté en infecte en moyenne 5,7 autres, ce qui est important (sources : wikipedia d'après une étude américaine). Pour comparaison, pour une grippe saisonnière courante le taux de contagion est de 1,3 en moyenne. Dois-je rappeler que la maladie est nouvelle et que nous n'avons pas (encore) développé d'immunité contre elle.
2- Alors, qu'est-ce qu'on fait?
Distance
Pour ne pas transmettre le virus, il faut rester chez soi. Si on ne croise personne on ne contamine personne et c'en est fini du virus. C'est simple et efficace... non!? euh... mais pas possible 100% du temps, pour 100% des gens... et c'est là que ça se complique. Au minimum on n'approche pas des personnes à moins de deux mètres.
En complément
Le personnel médical est prioritaire sur tout ce qui lui permet de se protéger et de protéger les autres: masques, désinfectants etc... avec des protocoles d'hygiène très stricts. Pour nous, c'est ce qu'on connaît maintenant bien:
Toucher => savon
On surveille ses mains: lavage dès qu'il y a eu contact avec quelque chose ou quelqu'un d'autre que les membres du foyer, on évite de se toucher soi-même quand on est en contact avec l'extérieur (qu'on soit en train de faire ses courses, ou qu'un livreur vienne à nous par exemple) et ce tant qu'on n'a pas pu se laver ou se désinfecter les mains. On peut aussi désinfecter tout ce qui vient de l'extérieur... ou le laisser 24h en attente avant d'y toucher, et penser à laver ou désinfecter ce qu'on a touché en ayant touché quelque chose venant de l'extérieur (la poignée de porte par exemple)... Bouh, qu'est-ce qu'on touche alors! Je rappelle que le savon est très efficace contre les virus, qu'il les tue autant que les désinfectants, et que l'alcool ne doit être utilisé qu'avec parcimonie, pour éviter de vider bêtement les stocks, et pour ne pas se dessécher la peau inutilement non plus.
Enfin le masque:
Le port du masque arrête une partie (plus ou moins importante selon sa qualité et la manière de le porter) des gouttelettes et aérosols que l'on émet. Ce faisant on ne contamine pas, ou beaucoup moins, les autres, que ce soit directement ou via une surface sur laquelle on postillonnerait. On se protège peut-être un petit peu... mais non des autres, mais de ses propres mains qui pourraient nous gratter le nez après avoir touché, avoir été éclaboussées comme il faudrait pas...
Pour mieux comprendre je conseille à nouveau de lire l'article du "pharmachien" ici.
3- Il y a masque et masque
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La référence serait le masque N95 ou FFP2 (la même chose, seul le code correspond à une norme américaine ou européenne), réservé pour le personnel médical spécifiquement en contact avec des maladies virales. Il pourrait filtrer jusqu'à 85% des particules très fines et 99,9% des particules les plus importantes (<300nm)*** protégeant les malades à proximité du soignant qui le porte, mais aussi en partie le soignant (pour la partie aérienne, ça ne change rien à ses mains, donc!) Pour être efficace le masque doit être mis correctement, sans aucun vide autour du visage, mis avec les mains lavées et retiré en ne touchant que l'élastique d'attache et non le masque lui-même. On se lave les mains après l'avoir retiré. Il doit être changé au moins toutes les 8h et jeté après usage. D'où un besoin important de ces masques dans un contexte précis. Ailleurs qu'en ce contexte il devient superflu... et s'il est mal mis il est carrément inefficace (taux de protection descendant à 12%!***). Bref, c'est pas pour vous et moi (si vous n'êtes pas médecin!)
- Le masque chirurgical: c'est celui qu'on peut trouver (parfois...) et que porte le personnel médical voire les visiteurs dans les couloirs des hôpitaux. Il peut filtrer jusqu'à 76% des micro particules (<300nm) et 99,6% au delà ***. Il a les mêmes exigences pour le mettre que le N 95 (bien ajusté, ne pas le toucher...) et on conseille de le jeter après 4h d'utilisation (en contexte hospitalier). Son usage est unique. Un peu mal mis, il reste plus efficace qu'un N95 mal mis***
- Le masque en tissu fait maison:
J'ai trouvé 3 études concernant leur efficacité (comparée aux deux types de masques précédents):
*Une, un peu sommaire, de 2008 par une équipe néerlandaise
**Une de 2013 de l'université de Cambridge
***Une publiée le 24 avril 2020, en contexte covid, par une équipe étasunienne
C'est tout en anglais, c'est ardu, mais c'est pour citer les références. Les * ** *** dans le texte renvoient à ces références.
Matières
On peut en retenir que les masques maison en tissu sont efficaces, mais à hauteur de 48 à 96% selon le virus** (étude avant le covid!) et selon la matière. Toutefois, dans l'étude la plus récente, on peut constater que des textiles, et surtout des associations de textiles sont très efficaces, sans toutefois égaler le FFP2.
Il est intéressant de constater que des textiles différents ont des propriétés différentes, et que donc le fait de les superposer augmente considérablement l'efficacité du masque. Par exemple, pour les gouttelettes un coton à tissage très très serré (600TPI, équivalent environ 230 fils par cm²) est très efficace, surtout en deux couches (jusqu'à 99,5%, contre 82% pour les fines gouttelettes***), mais pour ce qui est des particules les plus fines c'est les tissus fins et serrés comme la soie naturelle (86% en 4 couches***), ou la mousseline de polyester (83% en deux couches***) qui sont efficaces. La flanelle (en polycoton dans le test) peut aussi faire une couche intermédiaire efficace.
Idéalement, donc, on choisira du coton dense dessus, dessous et deux ou trois couches de mousseline de coton ou de soie naturelle au milieu.(filtration des particules fines 97% et 94% respectivement, gouttelettes 99%et 98,5% respectivement)*** La flanelle, le molleton de coton, la polaire fine restent de bonnes alternative à la couche centrale (une seule couche pour ses matières).
Pour un usage efficace, et suffisant, quoique un tout petit peu moins exigeant, on peut faire avec plusieurs couches de coton (3 ou 4). Le Tshirt étant à privilégier, car son élasticité permettrait une meilleure adhésion au visage** ce qui reste primordial pour l'efficacité.
❗ Les études comparent l'efficacité en rapport à la respirabilité: vérifiez toujours que vous pouvez respirer dans votre masque sans avoir à forcer. Par exemple l'étude de 2013** a testé le sac aspirateur, avec de très bons résultats sur les particules, mais il s'est avéré totalement irrespirable! Ne tentez pas n'importe quoi!
Dans mon précédent article j'avais mis un lien vers l'appel de l'institut français du textile et de l'habillement pour des sociétés désireuses de réaliser des masques grand public, et donc d'envoyer des échantillons de matière pour test avant de lancer toute production. Leurs tests sont maintenant publiés, ce qui peut aussi permettre de constater des tentatives d'associations de textiles adaptées ou pas.
Gardez bien à l'esprit que ces études ne testent ... que ce qu'ils testent: votre tissu sera différent des leurs et une certaine variabilité dans l'efficacité peut avoir lieu. Par ailleurs les conditions réelles sont très éloignées des conditions labo, les performances ne sont pas évaluées dans la vie. On peut toutefois supposer que si on se rapproche des matières conseillées, et que le masque vous va vraiment bien (pas d'espace entre le masque et votre peau sur le bords), que vous en respectez l'usage, il ne peut pas ne pas être efficace. Aucun dispositif de protection n'est pour autant 100% sûr dans tous les cas, et isolément. Ce n'est pas une baguette magique.
Modèle:
Il n'y a pas de préconisation unique quant au modèle. Tant que le masque vous va bien au visage, il sera efficace. Pour une bonne efficacité, le foulard noué autour du nez n'est pas suffisant (les particules passent par le bas), il faudra donc coudre ou assembler du tissu pour bien convenir au visage. J'ai réuni des tutoriels divers et mis les liens vers des patrons à télécharger dans mon précédent article, c'est là que vous trouverez les informations utiles pour la réalisation. Ne piochez que dans les masques en tissu, les seuls testés et validés, et ne faites plus les masques avec une couture à l'avant: les trous dûs à la couture laisseraient potentiellement passer les particules. Préférez les masques plissés selon la forme des masques chirurgicaux.
Le patron grand public de l'AFNOR (association française de la normalisation) pour adultes est ici
Perso je trouve bizarre que pour le grand public il n'y ait pas de dimensions ni d'explications.
Leurs documents pour les ateliers est plus complet, bien que vous ne pourrez pas tout appliquer sans outillage pro, vous aurez accès à plus de détails dans les normes et dimensions (si vous avez déjà fait de la couture).
Les explications détaillées de l'AFNOR pour les pros également à ce jour sont ici
Pas de tutoriel ici: cherchez sur internet les vidéos de tutoriels de masques AFNOR, il y en a plein et de très bien.
Attention les connaissances évoluent sans cesse, donc les patrons et textiles à employer peuvent encore changer.
Attention, les tutoriels parlent tous deux deux épaisseurs, toutefois vu les connaissances actuelles, il vous faudrait mettre 3 épaisseurs (ou plus si le textile du milieu est très fin, voir ci-dessus les matéraux)
Non que les masques double épaisseur ne protègeront pas, mais ils ne seront pas forcément à leur optimum. Vous les utiliserez dans des contextes où vous ne vous rapprochez pas ou très peu des gens (promener le chien par exemple), et garderez le ou les masques exécutés selon les dernières connaissances pour les cas de plus grande proximité (transports en commun par exemple).
Faites valoir votre créativité dans les couleurs et motifs, mais pas dans les formes de base, le masque risquerait de ne plus adhérer suffisamment au visage. Restez prudents sur les broderies ou appliqués dont les trous de couture pourraient rendre le masque plus poreux: ne les réservez qu'à une seule couche si votre masque en a suffisamment d'autres, intègres, elles. (pas d'études à ce sujet, mais ça m'apparaît de bon sens)
4- Du bon usage du masque:
- il faut comme pour les autres masques enlever le masque sans toucher sa partie avant, Il faut nettoyer ses mains avant et après avoir manipulé son masque avec une solution hydroalcoolique ou mieux avec de l’eau et du savon (nettoyage minutieux, 20 secondes).
- porter le masque afin que le nez et la bouche soient recouverts, sans espace sur les bords (il doit être bien ajusté au visage, partout). Sur ce point, l'efficacité diminuerait chez les porteurs de barbe (même courte), l'adhérence n'étant plus parfaite. Mieux vaut en avoir conscience quand vous le porterez et adapter vos distances.
- On évite de toucher le masque, et surtout on ne le soulève pas pour le poser sur le front ou le menton avant de le remettre (potentiellement contaminé) après.
Nettoyage
- Dès qu'il é été porté, on lave le masque. Le masque en tissu est le seul qui peut être réutilisé: économique et écologique, mais c'est une astreinte à tenir: lavage si possible à 60°C au moins 30 minutes (temps à 60°, soit un cycle long en machine). On ne sait pas si l'efficacité se maintient dans le temps après beaucoup de lavages (testé jusqu'à 20X il me semble). Je ne sais pas non plus si tous les matériaux sont en mesure de supporter de telles températures sans s'altérer. (tester le lavage à 60° de vos textiles avant de fabriquer votre masque est une bonne idée!)
- Il vous faudra donc probablement au moins deux masques pour alterner quand l'un des deux est au lavage (et garder l'usage unique du masque: si on le retire on en change!)
- Les préconnisations disent qu'il faut impérativement en changer toutes les 4h. C'est la norme pour les masques chirugicaux. La baisse de l'efficacité est due à l'humidification progressive des couches de matières filtrantes qui, si mouillées, laissent migrer les virus plus facilement: ainsi respirer vraiment trop longtemps dans un masque humide pourrait être plus dangereux que de ne pas avoir de masque. Toutefois, selon les études citées ci-dessus, les masques en tissu perdraient moins de leur efficacité dans le temps que les masques chirurgicaux. En l'absence d'études plus poussées, changez de masque effectivement toutes les 4h, mais pas de panique en cas de léger dépassement contraint. On est loin de tout savoir.
- le masque lavé doit être stocké dans une pochette propre à l'abri de contaminations (profitez d'une chute de tissu de la réalisation du masque pour concevoir sa pochette. Je ne crois pas qu'il y ait encore de norme claire sur le type de pochette). Un sac plastique à congélation convient aussi.
- Le meilleur des masques, même bien mis et bien entretenu ne suffit pas à protéger les autres ni se protéger soi si les autres "gestes barrières" ne sont pas respectés: gardez la distanciation physique, les lavages des mains au savon, etc. même si vous portez un masque et les personnes autour de vous aussi.
Les dernières recommandation officielles pour utiliser son masque sont sur cette page